Les prémices du déclin des oiseaux dans le monde
En 1962, la biologiste Rachel Carson publie le livre Silent Spring (Printemps silencieux). Son titre évoque un printemps où l’on n’entendrait pas le chant des oiseaux parce qu’ils seraient tous morts à cause des pesticides. Ce livre est connu pour avoir contribué à lancer le mouvement écologiste dans le monde occidental.
Disparition des oiseaux : un constat alarmant
C’est un fait : les oiseaux de nos campagnes disparaissent d’une manière vertigineuse. D’après le MNHN (Muséum national d’Histoire naturelle) et le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) leurs populations auraient chuté d’un tiers ces 15 dernières années et la tendance ne fait que s’aggraver.
Comment le sait-on ?
Le MNHN a lancé en 1989 un programme de sciences participatives appelé STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs). Il s’agit d’un protocole standardisé qui a pour objectif d’estimer les dynamiques de populations des passereaux les plus communs de nos campagnes. Ce programme repose sur la participation d’amateurs comme de professionnels qui, chaque année, identifient et dénombrent les espèces présentes sur le territoire métropolitain.
Ainsi, il apparaît que les effectifs des espèces inféodées au milieu agricole sont en déclin depuis les années 1990. A titre d’exemple, l’Alouette des champs (Alauda arvensis) a perdu 35 % de ses effectifs tandis que la Perdrix rouge (Alectoris rufa) en a perdu plus de 80% ! Les chiffres montrent que la tendance s’intensifie ces dernières années.
Ces résultats sont corroborés par une seconde étude menée en parallèle sur la zone atelier « Plaine & Val de Sèvres » et portée par le CNRS. Débutée en 1995, les équipes du laboratoire suivent chaque année 160 zones de 10 hectares d’une plaine céréalière typique des territoires français agricoles.
Certaines espèces sont au bord de l’extinction à l’image de l’Outarde Canepetière (Tetrax tetrax) ou bien encore de la Pie-grièche à poitrine rose (Lanius minor).
Fait intéressant, ce déclin touche aussi bien les espèces dites spécialistes fréquentant prioritairement ce milieu que les espèces dites généralistes* retrouvées dans tous les types d’habitats, agricoles ou non. Toutes les espèces d’oiseaux sont donc ainsi frappées par cette diminution. Or d’après le STOC, les populations des espèces généralistes ne déclinent pas au niveau national. Cet effondrement observé est donc propre au milieu agricole.
Le saviez-vous ?
*Une espèce généraliste a un apport de nourriture qui repose sur des ressources alimentaires variées (comme les omnivores) contrairement à une espèce spécialiste qui, elle, va se nourrir d’une ressource en particulier (insectivores par exemple).
Figure 3 : Le dernier couple de Pie-grièche à poitrine rose connu en France a échoué dans sa reproduction
Pourquoi les oiseaux disparaissent de nos campagnes ?
Plusieurs facteurs ont été identifiés :
Les pratiques agricoles intensives
L’intensification des pratiques agricoles ces 25 dernières années a largement contribué au déclin des populations d’oiseaux des plaines agricoles. L’uniformisation du paysage toujours grandissante conduit inexorablement à la destruction d’habitats favorables aux espèces d’oiseaux qui peuplent ces milieux.
L’utilisation intensive de pesticides qui tuent les insectes
Véritable fléau qui décime les populations d’insectes, deux études récentes montrent que l’Europe aurait perdu 80% d’insectes volants et 342 millions d’oiseaux.
En effet, les insectes constituent une ressource alimentaire essentielle pour bon nombre d’espèces aviaires. De plus, de nombreuses espèces granivores passent par un stade insectivore au début de leur vie.
Si dans les années 60, le DDT était pointé du doigt notamment à travers l’œuvre de Rachel Carson, aujourd’hui c’est l’emploi des néonicotinoïdes (insecticides neurotoxiques très persistants) qui est décrié.
Ces pesticides, mais également le glyphosate connu sous le nom de Roundup, contaminent l’écosystème dans son entièreté. Ainsi, ils provoquent la disparition des plantes et des insectes.
Figure 6 : Le Roundup est un herbicide non sélectif massivement utilisé depuis la fin des années 1990.
Les oiseaux sont de bons bio-indicateurs*, l’effondrement de leurs populations nous renseigne sur le déséquilibre de la chaîne alimentaire. Ainsi, c’est l’ensemble du réseau trophique qui en pâti et cela inclut la faune du sol qui permet de rendre l’exploitation des sols possible.
L’appauvrissement des sols est un fait avéré. Selon l’INRA (Institut de recherche agronomique), la France a vu sa surface agricole utile diminuer de 25% en 50 ans.
*Organisme végétal, fongique ou animal dont la présence, l’absence ou l’état renseigne sur les caractéristiques d’un écosystème ou permet d’en évaluer les altérations.
L’utilisation intensive d’herbicides
L’emploi de ces produits chimiques a pour effet de détruire le couvert spontané or les insectes l’utilisent comme ressource alimentaire en se nourrissant du nectar, du pollen, des feuilles… de ces plantes. L’utilisation de ces produits phytosanitaires provoquent indirectement le déclin des populations d’insectes.
Au-delà des espèces inféodées au milieu agricole, les oiseaux en général sont touchés par ce déclin.
Et les oiseaux des villes dans tout ça ?
Les oiseaux des plaines agricoles ne sont pas les seuls à voir leurs populations décliner.
Certaines espèces sont particulièrement touchées comme le Moineau domestique (Passer domesticus), le Serin cini (Serinus serinus) et le Verdier d’Europe (Chloris chloris) qui ont respectivement perdu 53%, 60% et 73% de leurs effectifs.
D’autres facteurs sont pointés du doigts comme le virus de la Trichomonose ou la perte d’habitat comme dans le cas de l’Hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) ou du Martinet noir (Apus apus) provoqué par la rénovation et la modernisation toujours plus accrue des bâtiments.
Mais alors que faire face à ce déclin massif ?
La principale piste serait de revoir notre modèle d’exploitation agricole et de se tourner vers des techniques plus douces et plus respectueuses de l’environnement en limitant au maximum les produits chimiques.
Ainsi, l’agroécologie semble être une bonne solution. Ce modèle d’agriculture basé sur la biodiversité permet d’utiliser au maximum la nature comme facteur de production tout en maintenant ses capacités de renouvellement.
Auteur : Louise JULLIEN
Photos : Imran Shah ; Oscar Valencoso – Salomé Planas ; Mick Sway ; Blake Matheson ; wafr ; Mike Mozart ; Daniela ; Martha de Jong-Lantink ; Corine Bliek
les agriculteurs pulverisent sans arret des pesticides dans les champs de blé donc ils font bien ce qu’ils veulent seul le rendement compte